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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

3 mars 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. FASTUEUSE.

DITA

Image 1 : seins nus soutenus par le corset. Cheveux lisses, coiffés en arrière. Demi-sourire. Le buste apparaît, une main soutenant le visage. Croisement de noir et de blanc. Chair palpable et mouvante.

Image 2 : Debout en guêpière. Bas noirs. Fard à lèvres d’un rouge violent. Expression du visage : attentive, rêveuse et veule aussi comme si tout se résolvait à un échange et un paiement.

Image 3 : à plat ventre, sur le lit fastueux. Le visage est soutenu par les mains. Le sourire est là, insistant et « canaille », un mot que le photographe aime bien. Sans sourciller, le modèle assume de ne porter qu’un bustier. Rien ne peut la mettre mal à l’aise. Elle est sans décence. Invisible sur la photo, sa croupe tendue affiche une blancheur captivante mais le photographe, aux ordres d’un magazine de mode à grand tirage, ne peut rien faire que de se cantonner à son rôle d’illustrateur. Sur la pâleur de la peau, le raffinement des postures et des toilettes doit se suffire à lui-même. Des seins nus et une voilette pour éloge de la féminité. De belles pièces de lingerie, ensuite.

Images 5 et 6 : une femme en soutien-gorge pigeonnant dont on ne voit que le décolleté et une autre, de profil, montrant en contre-jour de hauts seins et des bas luxueux que maintiennent un porte jarretelle.

Toujours le bel hôtel. Toujours Nice ou Cannes. Toujours la tension de Sylvia Hemmes, faisant son possible pour égaler cette Geneviève Dormes si respectée et attendue par ce photographe au prénom précieux et suranné : Jean-Loup. Et toujours l’échec, car malgré la patience et l’hypocrisie de l’orchestrateur, tout conforte le « modèle » dans l’idée qu’il n’est pas à la hauteur de l’égérie.

Et pourtant, et pourtant, une fois cette pesante séance de photos terminée, le magazine paraît et la femme est belle : sereine et espiègle. Sensuelle et magique. Fastueuse.

Le numéro se vend très bien. La jeune femme est non seulement félicitée mais sollicitée. Des contrats. De l’argent. Encore des contrats et du pouvoir puisque l’argent le donne.

 

3 mars 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. FASTUEUSE.

SOFIA EN CORSET

Sylvia Hemmes, un mannequin connu et adulé dans les années quatre-vingts où la balance avec Geneviève Dormes a fini par pencher en sa faveur. Sylvia, belle, difficile à interroger ; une femme honnête, scrupuleuse dans son travail, critique mais droite. Parlant de ce photographe prénommé Jean-Loup et dont, à l’époque, la gloire était forte, elle a pu dire que quel que soit le caractère des séances de poses avec lui, elle a apprécié l’homme du regard qu’il est et l’orchestrateur du noir et blanc.

Quel que soit le caractère des séances…

Geneviève Dormes. Carrière brusquement interrompue non par un drame mais par un riche mariage.

Sylvia Hemmes : carrière aussi longue que peut l’être celle d’une femme posant pour des vêtements de luxe et de la lingerie dont la beauté égale, en éblouissement, le prix.

Des numéros de Vogue, de Paris Match, de Jour de France les évoquant. A égalité d’abord puis en déséquilibre. Sylvia, avec son deux pièces à Montmartre, son goût pour le tango et les paravents orientaux précieux devançant l’épouse d’un éleveur de pur-sang. Sylvia faisant l’unanimité en se séparant d’un fiancé vénézuélien trop présomptueux, pour épouser un restaurateur breton ayant pignon sur rue, à Paris.

Et la suite de leurs vies, si tant est qu’elles soient réelles.

Dans une petite maison en Dordogne, on peut inventer une Sylvia Hemmes « moins bien » puis « meilleure » qu’une Geneviève Dormes. On peut penser à Jacques Fath et évoquer d’autres fastueux couturiers. Saint-Laurent, par exemple. Sans parler d’un Jean –Loup célèbre et recherché, un grand homme mince, un peu voûté et assez beau qui ne parle qu’à mi-voix.

Mais on ne peut savoir que cela n’est pas vrai.

Si on le sait, c’est bien car on jongle avec le réel et l’imaginaire.



3 mars 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. FASTUEUSE.

 

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Lise fait ainsi depuis dix ans, étonnant un mari à qui l’art du travestissement échappe et qui donc, s’émerveille de cette épouse théâtrale. Tantôt, diurne, elle va et vient en robe de laine ou jupe et corsages sages ; tantôt nocturne, elle l’attend. En guêpière et voilette, elle sourit et le bleu de ses yeux scintille. En porte-jarretelles et bas noir, elle couvre de ses mains ses beaux seins et attend en silence, frémissante. Accoudée à un guéridon, elle se tient droite, un corset noir lui remontant les seins comme pour les présenter, les faire jaillir.

Il la regarde.

Il la désire.

Ils se rejoignent. Dans la nuit de l’amour, ses gémissements à elles ont une tonalité plus aiguë ; mais les siens, plus graves les complètent pour signer une belle mélodie toujours renouvelée.

Au matin, il y a d’autres postures, d’autres attentes dans des vêtements frais – combinaison bordée de dentelle ; culotte blanche haute et soutien-gorge incrusté de broderie anglaise – et d’autres étreintes.

Toujours, toujours.

Ils ont quarante ans.

De Sylvia Hemmes et Geneviève Dormes, elle sait tout.

Lui, rien.

De Jean-Loup, il commence à s’imprégner car il se prend d’intérêt pour la photographie.

Une femme aux seins et au jeune visage à peine dissimulé par une voilette. Une sorte de collier lui descendant de cou et lui barrant l’encolure, pour aller ensuite séparer deux seins mobiles et doux.

C’est ce qu’il veut photographier.

Il le dit et le fait, au milieu des étreintes, encore et encore.

Un jour, elle se voit et elle le sait. Elle est mieux que Geneviève Dormes. Aussi parfaite que Sylvia Hemmes.

Il ne cesse de lui faire l’amour, lui, ce mari qui l’aime.

Elle est sur la photo. Ses beaux seins raidis pointent.

Elle est « canaille ».

Elle est heureuse.

Et, fastueuse, bien sûr.

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

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ERRANTE.

Histoire de Sofia.

 

 

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

SYNDROME

Sofia. C’est un prénom qu’elle n’aime pas trop car il n’est pas assez français. Elle habite Marseille depuis longtemps et regrette Aubagne où, petite fille, elle a vécu. Sa mère était italienne, d’où ce prénom méditerranéen. Prénom glorieux évoquant une fastueuse actrice. Prénom trop lourd. Victor ne s’habitue ni à la perte de sa femme, trop vite morte, ni à l’irrésistible beauté de sa fille adolescente. Heureusement, il n’a qu’elle, sinon, comment ferait-il ?

Quand elle est toute jeune, Sofia tourne autour de Monica, la jeune mère solaire dont maintenant qu’elle a cessé d’être bébé, elle garde la nostalgie du lait et du sein. Au fond d’elle-même, elle sait l’amour de la mère dont tout en elle parle : le beau visage aux cheveux difficilement ramassés en arrière, les yeux bruns sérieux et doux, les belles lèvres naturellement rosées et l’encolure. Les seins, les seins doux de la mère : opulents, renflés, majestueux dans leurs formes comme dans leur appréhension...

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

o CONTRARIO

Quand elle est petite, Sofia est espiègle. Elle s’échappe souvent, court dans l’appartement et, quand la porte est ouverte, s’enhardit sur le palier. En équilibre instable, elle se demande si elle osera. En général, elle n’a pas le temps car on crie après elle et ce mélange d’ordres et de supplications la touche. Alors, elle se laisse rattraper, se plaint puis devient douce pour mieux retrouver l’étreinte et l’abandon maternels. Il est bon, quand elle a été suffisamment grondée, de retrouver celle que rien ne définit vite car elle est tout. De la légère odeur citronnée qui s’échappe du corps de la mère, de sa voix au phrasé italien ou de l’intensité de son regard, quel est le meilleur ? Dans la quiétude où elle se trouve, Sofia n’arrive pas à répondre. Et quand l’inquiétude vient car Monica n’est plus avec eux, elle reste encore sans voix, mais là, c’est douloureux. Le temps et la mort effacent tout.

La confusion s’installe car la disparition de la mère, si vite morte après un accident de voiture, fait reculer  l’amour au point qu’elle croit qu’il n’existe plus. Cela commence quand elle a dix ans, le jour où elle sait qu’elle est orpheline. Car, Victor, même s’il reste conscient de son rôle, s’écarte de son devoir de père. Il a des sœurs qui habitent Aubagne et l’une après l’autre viennent jouer à la maman. Élève assidue, Sofia fait son possible et tout le monde s’accorde à la trouver gentille et méritante.

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

INDIFFRENCE SOFIA

Pourtant, ils déménagent et d’emblée, la petite fille déteste Marseille nord. Tout y est compliqué au point que l’envie de grandir vous passe. On voudrait d’ailleurs que le temps s’arrête mais non, il suit son cours. Alors, un jour, forcément, on apprend de la bouche de son géniteur, quadragénaire étonnamment seul ou bien menteur, qu’on a quinze ans et la beauté du diable !

Quinze ans, ça, elle le sait bien ; mais cette beauté-là ? Qu’est- ce qu’elle peut en savoir ?

Le Diable ?

Elle ne tient pas vraiment à savoir qui il est même si elle ne croit pas en Dieu. Non, le diable ne l’arrange pas. Monica croyait en Dieu, elle, et priait la Sainte Vierge. Elle aurait lui expliquer tant de choses ! Seulement, elle est morte.

Ici, tout est mal.

Tout. Le rejet que Victor semble avoir d’elle en dépit des services qu’elle lui rend : carrelage à nettoyer, lits à faire, fenêtres à ouvrir et courses à ne pas oublier… Appartement modeste dans un immeuble bondé. Lieu de vie simple qu’elle rend rutilant.

Tout. Le petit corps enfantin qui se transforme : le sang, les petits seins, la taille, l’harmonie d’une beauté adolescente.

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

 

DEPRESSION

 

Sofia grandit. Regards masculins

Tout. Les regards masculins si insistants sur elle, qui a douze, quatorze puis quinze assume tout : la solitude du père et sa frustration, son insondable tristesse qui le rend imperméable à tout son environnement et donc, cet environnement même. Et son épanouissement à elle, si impérieux.

Dans les squares, les cages d’escalier, les galeries marchandes des grandes surfaces, Sofia assume tout : l’interrogation, l’affirmation du désir, la provocation et l’agression.

Une première fois, à treize ans, elle est interpellée dans le parking souterrain de leur immeuble où elle a dû redescendre, à la demande de Victor, chercher dans le coffre de la vieille Fiat, un paquet oublié. Un homme vient vers elle et sans prendre le temps de la laisser se méfier, la plaque contre la voiture et lui caresse les seins à travers son corsage. Sofia crie dans le vide plusieurs fois de suite sans que ces plaintes ne soient entendues. L’homme ricane. La jeune fille devient insultante en français et en italien. L’italien fait reculer l’homme qui, rougissant, promet qu’il fera bien pire quand ils seront de nouveau face à face. Face à face ? Sofia juge impossible une nouvelle rencontre puisqu’à son idée, Monica a chassé cet homme mauvais. Qui d’autre qu’elle aurait pu le faire ? Ces paroles insultantes en italien, c’est bien elle qui les lui a apprises, il y a longtemps déjà, à une époque ou tout danger était imprévisible et où la seule crainte à éprouver était d’être écartée du giron…Attaqué pour sa vulgarité dans ce qui est probablement sa langue maternelle, l’agresseur s’est enfui.

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

sofia TRISTE

 

Meurtrie par la mort de sa mère, Sofia ne trouve, en son père Victor, qu'indifférence et perd dans de multiples et éphémères liaisons.

A Victor, perdu dans ses rêves, Sofia dit l’infamie de l’homme et ses mauvais desseins ; à la mention de la protection exercée par le fantôme de Monica, il part d’un doux rire désespéré et la jeune fille, confondue, se tait.

Plus tard, elle appelle l’une de ses tantes d’Aubagne, celle qui se préoccupe de son évolution de jeune fille, achète avec elle de la lingerie et lui a appris à faire la différence entre menstruation et ovulation…

Christine est bienveillante. Elle conseille des tenues sages et des horaires stricts. Sans parler de demandes à laisser telles quelles sans justification. Ne pas sortir à vingt-deux heures pour aller acheter des cigarettes et ne pas déambuler dans un parking souterrain désert : les désirs de Victor peuvent attendre.

Sofia promet mais rien ne marche.

Un homme la suit de jour au sortir du supermarché local et l’insulte en la provoquant. Elle lui bat froid mais le retrouve dans une cage d’escalier ou, alors qu’elle cherche à lui échapper et affirme aller voir une amie, il lui palpe les seins, lui remonte la jupe sur le ventre et, la main plongée dans sa culotte, la masturbe vigoureusement. Elle se débat. Il crie et assène qu’elle est une petite chienne et aime ça. Elle se dégage, part et pleure.

Victor, à qui elle parle, hoche la tête et lui conseille la prudence. Le reste de la soirée, il regarde la télévision et passe des coups de fil.

La fois suivante, dans un autre parking, un autre homme déchire son corsage et s’en prend aussi à son entrejambe. Il dit « branler » et non « caresser » ou « masturber ».

Elle a du plaisir et crie. Il dit : « c’est bien ».

Il y a d’autres épisodes et d’autres violences.

Elle parle à Victor qui sourie et hausse les épaules.

Une fois, elle a la bouche meurtrie, ensanglantée.

Une fois, elle a mal à l’entrejambe et ne sait que faire.

Une fois, elle a des meurtrissures sur les bras, comme des traces de cordes ; sa lingerie est déchirée ; elle a les yeux fous.

Elle ne rentre pas une nuit.

Victor, devant son café, lit un magazine.

 

23 février 2020

DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.

AUTRE SOFIA

Sofia dérive après la disparition de sa mère...

Elle n’a pas peur de faire l’amour mais elle a peur de mourir. Quand un garçon ou un homme est sur elle – il y a une différence tout de même- elle reste en relation avec l’image solide, belle et sensuelle de Monica et ce lien la soutient. Sa maman, elle le sait, n’aime rien de ce qu’elle fait maintenant avec ses « autres » qui se nourrissent d’elle mais elle continue de l’aimer et de lui communiquer sa force. Sofia ne sait pas ce qu’il y a après la mort mais, de peur de ne pas trouver ce Paradis plein de cyprès et de grands lys que sa mère lui a dépeint, elle reste sur terre. Que ferait-elle si, errant dans ce grand domaine où Sofia a le droit d’être, elle était longuement reléguée dans un Purgatoire où on la maintiendrait sans fin ?

Nettoyer la maison et s’occuper de son père, c’est aussi bien qu’étudier et d’avoir de bonnes notes.

Relever sa jupe et son corsage et coucher, c’est mal.

Mais il n’y a rien à faire.

Rien.

Sofia, quelquefois, regarde ses seins et sent les larmes perler à ses yeux. Elle pince et frappe à coups réguliers les beaux mamelons, jusqu’à ce qu’elle se sente lasse. Rougis et douloureux, ses jeunes seins immobiles la renvoient à sa honte. Quand la douleur décroît, elle ne les caresse pas.

Elle se punit encore, se griffant, se privant d’aliments, pleurant.

Elle s’interdit toute masturbation.

En quelques semaines, devenue insomniaque, elle affole son père, qui, d’indifférent passe à l’inquiétude et aux interrogations. Tandis qu’il questionne en vain, le fantôme de Monica veille sur le corps lourdement marqué de Sofia, et, se faisant bienveillant, l’apaise. La jeune fille reste muette mais l’alerte est enfin donnée. Christine vient et s’inquiète. Et Marie-Pierre et Sylvie, les autres sœurs.

Bientôt, on envisage un autre lycée et une autre vie.

Sofia part à Aubagne où elle était petite et fait les marchés, quand elle peut, avec Christine.

Les cages d’escalier, les parkings, les halls d’immeubles et les terrains vagues quittent son esprit, même si, pendant longtemps lui reste en mémoire de magnétiques images d’agenouillements ou d’allongements, de caresses et de pénétration.



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