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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

21 janvier 2025

Battes. Partie 1. Paul en prison. Cellule et travail.

 

-Tenue bleue.

Il changea de vêtement et revêtit une combinaison bleu-marine sur laquelle figurait sur le torse et le dos, son matricule en grosses lettres.

-Je t'emmène au travail. Exécution.

 Au bout d'un long couloir, il fallut descendre un ascenseur. A sa sortie, escalier Paul comprit où il était. Il avait retrouvé l'air libre. La température était glaciale et il se hâta pour rejoindre l'autobus qui l'emmenait au travail. Celui-ci roula près de trente minutes et Paul regretta d'en voir si peu. L'ampleur d’Étoile lui échappait. Quand le bus s'arrêta, il descendit avec d'autres prisonniers qui n'avaient pas dit un mot et n'avaient jamais croisé son regard et se dirigea vers un hangar. C'était l'entrée de son atelier. Dans une sorte de vestiaire de la salle de montage, il dut enfiler une sorte de scaphandrier puis on le conduisit dans une allée ou cinq heures durant il fit les mêmes gestes sur des portières de voiture qui n'étaient pas complètes. Personne ne lui parla et il ne réussit pas à savoir si les autres ouvriers étaient oui ou non des détenus politiques. Il n'y eut pas de pause à midi et on travailla encore avant qu'une sonnerie ne retentisse. C'était fini. La gardienne Xest lui fit reprendre l’autobus. En cellule, lavé et changé, elle le fit dîner puis lui donna à étudier des textes de Dormann pour le lendemain. Au bout de deux heures, il s'effondra sur son lit, épuisé...

Les jours suivants, il en alla de même. Il travaillait, apprenait, récitait, refusait, prenait des coups, dormait, recommençait. Le travail ne lui posait pas de problème ; il avait compris ce qu'on lui demandait. Mais Xest était monstrueuse. Elle l'insultait et l'avilissait. Il lui résista longuement mais on commença à lui donner un traitement. Il devait matin et soir ingurgiter des pilules de couleurs diverses et s'il ne remarqua rien dans les premiers jours, il fut ensuite forcé de le faire. Ces médicaments le rendaient hagard. A l'atelier, on lui fit de sèches remarques car il n'était plus aussi rapide et il faillit tomber plusieurs fois en regagnant sa cellule tant son équilibre était instable. Ses apprentissages restèrent au point mort mais pour de nouvelles raisons. Il n'avait plus de mémoire et oubliait beaucoup. Il fut donc puni régulièrement, humilié et frappé. Puis, bizarrement, ses facultés revinrent. Il travailla, n'eut aucun mal à apprendre mais nargua Xest en récitant mal. Elle sévit beaucoup moins. Pourquoi ? Au travail, il fut aux aguets. Les prisonniers qu'il côtoyait à l'atelier lui semblait toujours aussi éteint mais au moins, ils existaient concrètement. Dans l'aile des dissidents à rééduquer, on n'entendait jamais aucun bruit. Combien étaient-ils ? A quel stade se trouvaient-ils ? Xest, bornée et sournoise, ne répondait pas à ses questions.  Comme il rentrait de l'atelier un soir et que sa gardienne le faisait entrer en cellule, il entendit courir. Se retournant, il vit des gardiens qui se hâtaient. Xest monta en créneau.

-Entre dans ta cellule. Et dépêche-toi.

-Que se passe-t'il ?

-Il ne se passe rien.

C'était faux. Les gardiens s'engouffraient dans une cellule au fond du couloir.

-Pourquoi gardienne ?

-Pour rien ! Ne fais pas ta mauvaise tête. Allez !

Il obéit mais se raidit et guetta plus encore. Un nouvel événement survint. Une nuit, il entendit des hurlements dans le couloir, des supplications, des ordres secs. On tira un corps, il le devina et on disparut. De nouveau sur le qui-vive, il tenta de savoir. De nouveau, Xest fut évasive et Paul fut révulsé. Dans l'aile de la rééducation, on tuait : il devrait en savoir plus.

Il s'irrita.

-Gardienne Xest, je suis ici depuis six semaines ; que fait mon instructeur ?

-Il te convoquera.

-Mais je suis prêt !

Xest eut un rire mauvais.

-Tu le verras.

-J'ai des questions à lui poser.

Xest eut un rire mauvais.

-Ah ! Lui aussi, figure-toi !

Son conditionnement n'étant pas total, Paul eut un sursaut et décida de désobéir plusieurs jours de suite. Il faisait bien mine d'avaler ses comprimés mais réussissait à les garder en bouche sans qu'il se dissolve et les recrachait. Toujours sévère, Mariel Xest parut moins vigilante. Elle ne remarqua rien. Il commença à lui tenir tête. Elle le reprit sans insister. Un matin, elle lui dit :

-Tu ne vas au travail.

-Je suis en tenue, gardienne.

-Je sais mais aujourd'hui, c'est différent.

-Je ne suis pas assez rapide sur la chaîne de montage ? Je parle alors que c'est interdit ? Est-cela, gardienne ?

-Si tu le dis !

-Je n'apprends pas assez vite ?

-Que de questions ! Ton instructeur t'attend. Je te conduis à son bureau.

-Mon instructeur, gardienne ?

-Tu es sourd ?

Paul, qui n'était plus sous l'emprise chimique des pilules qu'on lui faisait avaler, pensa qu'il allait enfin se heurter à un de ces hommes de fer qui faisaient la réputation d’Étoile. Pour l'instant, mis à part le travail et cette gardienne sournoise, il estimait ne pas avoir touché la réalité de la prison.

-Gardienne Xest, c'est loin ?

-Mais non, abruti, le bureau de ton instructeur est dans ce bâtiment.

Les couloirs et les escaliers se succédèrent mais Paul n'eut pas le sentiment de faire un grand parcours. Il n'avait pas de mal à suivre et il fut ravi. S'il avait pris son traitement, un trajet comme celui-là lui aurait beaucoup coûté.

Ils s’arrêtèrent devant une porte grise et Xest frappa. Une voix sèche lui répondit.

-Il faut attendre. Il est sans doute au téléphone.

Se sentant fort, Paul fut maladroit.

-Je crois que ça va être un grand moment !

Xest lui jetait un regard curieusement moqueur quand la même voix sèche indiqua qu'ils pouvaient entrer

-Donne ton matricule et baisse les yeux.

-Oui Gardienne.

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Paul rencontre son rééducateur, Markus Winger.

 

Une fois dans la pièce, il se trouva face à un homme jeune, très blond, au physique athlétique et au regard dur. Il se tenait debout contre un mur et le fixait.

-Matricule.

-DS. Cinquante-huit trois. Deux cent sept neuf.

-Bien.

Paul tenta bien de soutenir le regard de l'instructeur mais il capitula vite. Mécontenter Xest était une chose mais, à l'évidence, s'opposer à ce soldat en était une autre...

-J'avais dit pas de menottes, Xest.

-C'est un détenu retors, instructeur.

-Enlève-les-lui.

-A vos ordres, instructeur.

-Laisse-nous. Une heure trente.

La gardienne fit un salut réglementaire et se retira.

-Je suis Markus Winger. Je suis en charge de ta rééducation. J'aime la politesse.

-Oui, Instructeur.

De nouveau osa le regarder. Beau, grand et mince, celui-ci le fit immédiatement penser à ces jeunes SS dont il avait vu les photos dans des reportages sur la seconde guerre. Vêtu de gris, il portait un pantalon qui évoquait l'équitation plutôt que l'armée et un pull strict qui faisait ressortir la carnation pâle de son teint. Élancée, sa silhouette était aussi altière. C'était certainement un soldat d'élite mais Paul, qui s'attendait à ce que l'on mette en face de lui un homme d'expérience, fut surpris qu'on lui ait attribué quelqu'un qui n'avait pas trente ans. Il en éprouva même un certain dépit. Rapide, l'instructeur parut lire dans ses pensées.

-Quoi ? Tu t'attendais à quelqu'un d'autre ?

-Non...

-Si. Maintenant, une simple remarque : tes questions et tes réponses doivent se terminer par « Instructeur » ou « Instructeur Winger ». En l’occurrence, c'est « si, Instructeur ». C'est simple, non ? Maintenant, un détail : je m'assois mais toi non, tu restes debout. C'est clair.

-Oui, Instructeur.

-Qu'est-ce qui est surprenant avec mon âge, détenu ? Car c'est bien cela, ta surprise.

-Eh bien, si je peux être sincère, je dirais qu'il pose problème...

-Cela nuit à ma valeur ?

-C'est une idée que j'avais.

-Ah oui ? Pendant les huit semaines où tu as attendu de me voir, tu t'es imaginé qu'on te confronterait à un homme d'expérience. Tu voulais ton équivalent ?

-Je ne comprends pas.

-Si. Tu voulais le double de Battles en fait, un être aguerri, un vieux de la vieille. C'est ça ? Ceux qui t'ont jugé étaient des hommes mûrs. Et tu as constaté que pas mal de prisonniers dans l'unité où tu travailles ont ton âge. Alors tu t'es dit que c'était la moindre des choses. C'est que Paul Kavan alias Battles a marqué les esprits ! On ne va quand même pas le confronter à un débutant !

-Ce n'est pas ce que j'ai pensé...

-Comment ?

-Je n'ai pas pensé ainsi, instructeur.

-Tu es sûr? Tu ne mens pas? 

-Si.

-Si, Instructeur. Bon, sache que tu disposes désormais d'un rééducateur jeune et très efficace. C'est clair ?

L'instructeur jeta un coup d’œil froid à Paul puis alla s'asseoir derrière son bureau.

-Certainement, Instructeur.

-Tu verras, tu ne pourras que t'en féliciter !

Paul resta silencieux. Il baissait les yeux de nouveau, le regard de l'instructeur le transperçant. Néanmoins, il ne voulait pas abdiquer. Il soupira d’agacement. Son interlocuteur ne parut pas s’en rendre compte.

-Bien, alors comment ça se passe depuis ton arrivée ?

-On m'a indiqué comment me comporter dans ma cellule et expliqué comment faire mon travail.

-Donc tu as tout compris ?

-Non.

Winger posa sur lui un regard glacial.

-Non? Explique-moi cela.

-Il n'y aucune raison de me faire travailler ainsi. Il existe bien un endroit pour les condamnés à mort dans cette prison.

-Il y en a un.

-Je veux y aller, Instructeur.

-Rien de tel n'est prévu pour toi.

-D'autres ont été fusillés ; ils en avaient fait moins que moi. Donc...

-Donc rien. Parle-moi de ton travail.

-Je me suis habitué. Je travaille sérieusement, Instructeur.

L'instructeur fronça les sourcils.

-Ce n'est pas totalement vrai. Tu as du mal au début puis tu t'es acclimaté. Tu n'étais pas rapide mais tu l'es devenu. Tu as même fait du zèle. Mais depuis quelques jours, tu te laisses aller. J'ai ici les rapports des contremaîtres. Rien d'ostentatoire car tu ne provoques personne et ne gêne pas tes camarades mais ton attitude est déjà séditieuse. Tu sais d'où ça peut venir ?

-Je manque d'entraînement, Instructeur Winger.

-Pour travailler à la chaîne ? 

-Non, pour dissimuler.

-Comment ?

-Je n'ai rien à faire là, dans cette usine. Vraiment rien.

-Faire un travail manuel est dégradant?

-Dans mon cas, oui.

-Comment?

-C'est dégradant, Instructeur.

-Ce n'est pas toi qui décides de cela ! Avant ta reconversion, tu t'exprimais sur des radios clandestines après avoir inondé la presse d'opposition de tes articles incendiaires. Les derniers temps, tu cavalais beaucoup mais tu trouvais encore le moyen d'écrire, te parler. Pour toi, travailler manuellement n'existait pas. Tu as découvert ce que c'était en arrivant ici. C'est un grand changement. Cependant, tu mens. Tu n'es plus déconcerté comme au début.  Tu sais ce que tu dois faire mais ne veux pas vraiment obéir. La saine valeur du travail manuel t’échappe ; c'est ça ?

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Winger harcèle Paul. Interrogatoire et dureté.

 

 

Winger se tut un instant puis reprit, rageur:

-Alors, ces explications ?

-Je vous les ai données, Instructeur.

-Je n'ai pas saisi.

-Je n’ai rien contre les ouvriers qui sont sur cette chaîne de montage, quels qu'ils soient, ni contre les contremaîtres...

-Si, tu t'estimes au-dessus d'eux.

-Non !

-Détenu, tu te demandes s'il ne manque pas quelque chose à la fin de tes phrases ? Tu as raison. Termine-les par « Instructeur Winger ».

-Oui, Instructeur Winger.

-Tu es prévu pour l'usine de montage, alors fais ce qu'on te demande. C'est compris ?

Paul se mordit les lèvres. La position debout le lassait Paul. Winger le voyait mais ne changeait rien.

-Bref. Tes rapports avec la gardienne Xest sont bons ?

-Ils le sont, Instructeur Winger.

-Elle a rédigé plusieurs rapports sur toi. Les premiers montraient une évolution normale de ton état. Le dernier est négatif. Elle signale un manque de courtoisie. La politesse est importante, détenu.

-Instructeur, je suis poli avec la gardienne Xest.

-Elle fait erreur alors ?

-Non, c'est une chienne. Je la traite comme telle.

Il y eut un silence. De nouveau, Paul se sentit transpercé par le regard du jeune homme. Celui-ci restait d'un calme olympien mais il était déjà menaçant.

-Fin de phrase ?

-Instructeur.

-Continue.

-C'est une immense prison et je m'interroge sur le nombre de détenus qu'il y a ici, leurs fonctions, la durée de leurs peines. Et puis, je me suis étonné que dans l'aile des politiques où tout est silencieux, il y ait du bruit certaines fois. On malmène des prisonniers. Je me demande si...

Winger lui coupa la parole.

-Un certain nombre de politiques ne sont plus avec toi. Ils ne remplissent pas les critères pour être rééduqués, en conséquence, nous mesurons nos erreurs et les évacuons. Actuellement, vous êtes moins nombreux à mériter d'être redressés.

Paul perdit patience.

-Alors, c'est ainsi ! La nuit, vous condamnez à mort ceux qui ne vous conviennent plus.

-Tu sais que tu mécontentes ?

Paul saisit sa chance.

-Je l'espère !

-Termine tes phrases, DS. Cinquante-huit trois. Deux cent sept neuf. Et ne t'emporte pas, c'est un conseil.

-Ces hommes ont été suicidés, Instructeur.

-On est dans une prison, ici, tu n'es pas au courant ? Rappelle-moi la posologie des médicaments que tu dois prendre.

Paul se tut, hostile.

-Tu disposes d'un écran de télévision qui t'explique comment suivre ton traitement. Tu as un rappel papier dans ta cellule et Xest te donne des consignes. C'est trop difficile ?

Paul soupira, agacé.

-Tu ne les prends plus. Ta gardienne m'écrit qu'à la façon dont tu te déplaces dans les couloirs et en cellule, il est clair que tu t'en passes. Au cas où tu ne le saurais pas, elle est autorisée à regarder ta merde et ça se voit aussi. C'est un acte de liberté ?

-Oui, Instructeur.

-Si tu prenais les traitements adéquats, tu ne te réveillerais pas la nuit. Tu aimes les feintes, toi.

-Elle-aussi ! Vous-aussi ! Je suis filmé tout le temps !

Winger parut amusé.

-Tu aimes la liberté ?

-Plus que tout, Instructeur.

-Alors tu te trompes.  En toute logique, tu es un détenu et qui plus est, un détenu borné. Tu travailles mal et jettes tes pilules dans les toilettes sais qu'on est indulgent avec toi, plains tes pauvres camarades qu'on a fait mourir, veux le sacrifice mais parades. Et tu te dis bien sûr qu'un héroïsme aussi désespéré mérite le peloton d'exécution !

-Oui, instructeur. Je ne serai pas rééduqué. Vous ne me transformerez pas. Moi aussi, une nuit, vous viendrez me chercher. Je sais ce que j'ai écrit, je sais pourquoi j'ai vécu. J'ai été un homme futile, inintéressant mais j'ai tenté une fois dans ma vie d'avoir quelque grandeur car mon pays sombrait dans le chaos. Je ne céderai pas.

Cette fois, Paul regarda l'instructeur droit dans les yeux et soutint son regard. Il s'attendait à une explosion de rage mais rien ne vint.

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Réciter les discours d'un dictateur.

 

Toujours froid, Winger poursuivit son interrogatoire.

-Passons. Tu as regardé comme demandé les discours de notre président, le grand Jorge Dormann ?  Récite-moi le premier par cœur.

-Le premier ?

-Oui, récite-le.

-En entier, Instructeur ?

-Oui.

-Impossible.

-« Mais si, voyons ! Citoyens et citoyennes d'Ambranie, je m'adresse à vous en ce jour de prise de pouvoir pour vous dire qu'une ère nouvelle commence. Si d'indignes dirigeants ont pu précipiter notre nation vers la ruine et l'infamie, moi, Jorge Dormann qui accède ce jour au pouvoir suprême, je puis vous assurer que ces temps sont révolus. Je rendrai à mon pays son lustre d’antan et je le rendrai puissant. Je consoliderai ses frontières et repousserai les iniques attaques ennemies et je ferai disparaître à l'intérieur toutes ces forces sourdes qui contribuent à la destruction du nationalisme et entravent une croissance économique qui ne pourra qu'enrichir la nation en servant... » Donne-moi la suite.

« En servant  toutefois de sordides intérêts personnels. »

-Stop. Il y a une erreur. « En éradiquant tout sordide intérêt personnel. » Oh ! Tu voulais déjà me jouer un tour ! Tu connais ces discours, je le sais. Dans tes articles, tu les as tournés en dérision. Rafraîchis ta mémoire et termine tes phrases.

-Je peux m’asseoir, instructeur ?

-Non. Je t'écoute. Récite le discours jusqu'à la fin.

Paul le fit en y glissant des erreurs. Winger le reprit :

-Tu aimes ça, hein, disséquer les paroles de notre Guide pour les tourner en dérision en transformant ces propos...Tu tombes mal. Je connais moi-même parfaitement tous ces textes. Je pourrais même les réciter à l'envers !

-Que dois-je faire maintenant, Instructeur ?

-Lettre aux mères de famille. Premier janvier 2010. Je t'écoute.

Cette fois, Paul déclina le texte sans faire la moindre erreur.

-Dormann, Mes Pensées. Pensées 61 et 62.

-Je ne connais pas ces textes par cœur.

-Ah non ? Tu as un mémo à disposition sur ta table et il te suffit d'allumer ta télé pour savoir quels textes tu dois mémoriser et en combien de temps. Pas vu ?

-Instructeur, ma position est claire.

-La liste est exhaustive cinquante-huit trois deux cent sept neuf.

-Je répète que ma position est claire.

Cet homme jeune qui prenait un air sévère ne pouvait avoir raison de lui.

-A quoi penses-tu, détenu ?

Paul resta silencieux. Winger le surprit en abandonnant son ton sec. Il lui parla d'une voix plus douce :

-Regarde-moi, Paul. Voilà, c'est bien. Alors, quel est ton problème ?

Paul prit son courage à deux mains :

-J'ai du mal avec la prose de Dormann...

-Ah oui, pourquoi ? Notre Guide écrit fort bien. Tu es bien de mon avis ?

-Non.

-Comment ?

L'instructeur le fixait. Il n'y avait aucune clémence à attendre d'un tel regard. Il vous perçait à jour et vous condamnait.

-Je suis journaliste et...

-Non, plus maintenant. Tu as tout de même compris où tu étais ?

De nouveau, l'instructeur le toisa, un sourire froid aux lèvres. Il était négligemment appuyé sur le dossier de sa chaise et jouait avec un crayon posé sur son bureau.

-Tu vas apprendre ces pensées que tu devais connaître à la perfection. J'ai les textes ici. Je vais t'aider...

Paul faillit répondre non mais il se souvint des cris dans le couloir, des gardiens qui couraient. C'était peut-être des détenus qui s'étaient opposés imprudemment...Ne fallait-il pas gagner du temps ?

-Oui, Instructeur.

-Fort bien.

Il tira une chaise pour lui, le fit asseoir et lui donna des feuillets.

-Vingt minutes.

Paul resta silencieux un long moment. Il lisait et tentait de mémoriser. Il pouvait parfaitement faire ce que son éducateur demandait mais de nouveau, il était lucide : il fallait choisir son camp et s'opposer.

-Bon, le temps est passé. Tu es prêt ?

-Non. Je ne veux pas coopérer de cette façon.

Il s'était levé. L'affrontement se préparait. Winger, imposant, était debout lui aussi et il souriait.

-Voilà qui est dit avec courage. Ce serait magnifique si tu étais encore Battles.

-Je le suis toujours. J'ai reçu tant de témoignages ! Tant d'êtres assoiffés de liberté ! Leurs propos, c'est ce que je veux réciter !

-Pas de public. Fin de phrase ?

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. A Etoile, tu n'es rien. Winger aux commandes.

 

 

-Instructeur.

-Tu es à Étoile et ici, tu n'es rien. De toute façon, tu n'as pas la moindre idée de ce que nous sommes capables de te faire faire ici. Je prends un exemple simple : la fouille au corps. On aurait dû t'adjoindre un gardien et non une gardienne mais dès qu'on m'a mis en charge de votre cas, j'ai opéré un changement. Mariel Xest est parfaite dans son rôle, tu ignores encore à quel point ! Elle te demande de te tenir nu devant elle et toi qui es un homme ayant eu de nombreux succès féminins, tu sais bien qu'à l'habitude, c'est plutôt le contraire. Elle te mate, je le sais et franchement ça te plaît pour de mauvaises raisons. Elle est laide et tu es bel homme, c'est ça ton idée. En réalité, tu la prends pour une abrutie et lui obéit assez peu. Tu trouves ça très drôle mais crois-moi, ça ne l'est pas...

Winger, cette fois, était venimeux. Toujours debout, les bras le long du corps, Paul écoutait. Il était à Étoile, il aurait dû être plus prudent mais il ne l'était pas, brassant ce qu'il estimait être encore sa liberté de penser. Fixer l'instructeur était difficile mais il s'y tenait.

-Alors ?

-Vous avez raison, Instructeur.

-Tu n'en penses pas un mot. Tu n'as pas compris. Récite.

-Non.

-Non ?

Winger s'appuyait contre le mur. Il était fort et d'une beauté imposante. Ses yeux disaient clairement que Paul était sa proie. Il resta un instant en silence puis il reprit sur le même ton froid mais tranquille :

-Bref, tout cela pour dire que tu es là pour être retourné et tu le seras. Dans quelques temps, tu trouveras délicieux de te désaper pour l'agent Xest et de te pencher en avant pour que son doigt entre plus profond en toi, parce que ce sera encore le plus agréable que tu aies à vivre dans une journée. Tu prendras tes médicaments par intraveineuses voilà tout et on t'attachera s'il le faut. Et pour les textes, on te battra et on t'humiliera...Compris ?

-Je savais que vous voudriez m'intimider. Sachez que je ne regrette rien de ce que j'ai fait et si c'était à refaire, je le referai. Compris, Instructeur Winger ?

A ces propos, le jeune homme se raidit. Son regard devint plus dur.

-Oui, j'ai compris. Tu as autre chose à me dire ?

-Vous ne parviendrez pas à vos fins.

-Je pense que si...

-Je vomis les gens comme vous ! Les marionnettes comme toi ne sont pas dignes d'intérêt...

Winger le gratifia d’un sourire étincelant.

-Je suis pourtant la personne la plus intéressante que tu aies été amenée à rencontrer !

Paul hurla.

-Non !

L'instructeur se leva précipitamment, ouvrit une armoire et en sortit une cravache. Avant même que son interlocuteur ait eu le temps de réagir, il le frappa à plusieurs reprises et à toute volée au visage et sur les bras. Paul tomba à genoux en gémissant et comme il se protégeait le visage comme il pouvait, il le frappa de nouveau et longuement.

-Écoute-moi bien. Je suis ton instructeur et je veux que tu t'en souviennes à chaque instant de ta vie ! J'ai tous les droits ici, y compris celui de te chier dessus, suis-je clair ?

Abasourdi, Paul, les yeux clos, attendait la suite.

-Tu vas commencer par trois jours d'isolement complet dans une autre cellule où la lumière est allumée nuit et jour. Je vais donner des ordres pour qu'on te batte sans raison. Après cela, tu feras tout ce qu'on te dira et tu diras merci. Tu verras, c'est facile. Les gardiens frappent fort. Moi, aussi.

Il marqua une pause puis parla plus lentement :

-Tu vas obéir Paul et tu vas aimer le faire !

Paul qui souffrait beaucoup de son visage martyrisé le regarda, sidéré. Le jeune instructeur reprit. Il restait catégorique mais était moins virulent.

-La curiosité est un vilain défaut, on apprend ça à l'école. Tu n'as pas à savoir ni comment on évacue les rebuts ni comment on rééduque ceux qui sont enfermés dans la même aile que toi. Ça ne te regarde pas, compris.

-Oui, Instructeur.

-Détenu, tu es en phase 1 et elle dure quatre mois. Tu es prévu pour douze et quoi que tu en penses, ça va marcher. J'ai une solide formation paramilitaire, je suis très bien noté et je sais comment avoir de bons résultats. Notre Guide a écrit et prononcé 160 discours depuis son arrivée au pouvoir. Tu dois tous les savoir par cœur d'ici la fin de cette période sans parler d'autres textes de sa main. Chaque entretien commencera par une récitation des textes qui te sont donnés à l'avance et tu sais maintenant de quoi il retournera si tu te trompes ou t'amuses. Tu auras des comptes-rendus à me faire sur tes journées et tu les feras. A chaque fois, également, nous reviendrons sur ce que tu as écrit. Nous reprendrons point par point les textes que tu as l'audace d'écrire pour la radio et nous en démontrerons la fausseté...Et je passe sur l'examen de ta vie personnelle !

Paul, qui avait du sang dans la bouche, acquiesça et regarda avec terreur le jeune homme lever sa cravache. Comme il se retournait, un nouveau coup l'atteignit dans le dos. Il cria.

-Réponds oui, Instructeur !

-Oui, Instructeur.

-Maintenant, tu vois mes bottes ?

Paul acquiesça lentement.

-Embrasse-les.

Barne poussa un gémissement horrifié mais refusa. Winger le frappa de nouveau.

-Ne fais pas ta mauvaise tête, Paul, sois un bon garçon. Embrasse et demande pardon. Tu as mal parlé de notre Guide d'une part et de l'autre, tu m'as incommodé...

Paul obéit. Il fallut qu'il s'y reprenne à trois reprises cependant pour que l'instructeur se dise satisfait.  Se mettant brusquement à sourire, celui-ci lui dit d'un ton mutin.

-Bon, maintenant, tu comprends de quoi il retourne...Arrête de te tortiller comme ça sur le plancher et cesse de couiner ! Xest te conduira à l'infirmerie pour soigner ça ! Tu auras de beaux bandages, de la pommade et des piqûres ! Et ensuite, tu iras réfléchir. Un conseil : sois sage.

Paul réussit à se relever et Xest entra. Winger donna des ordres secs.

-Infirmerie. Cachot trois jours. Éclairage jour et nuit. Entraves permanentes. Intraveineuses.

-A vos ordres, instructeur.

-Rapport quotidien sur l'évolution du prisonnier.

-A vos ordres, instructeur.

-Rompez, Xest.

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Rééducation et maltraitance. La force de la prison Etoile.

 

 

5. Prison Etoile. Intimider et maltraiter celui qui résistait.

La rééducation de Paul, qui résista à la dictature sous le pseudonyme de Battles, a commencé. Elle est supervisée par l'instructeur Winger, qui connait son affaire

Traumatisé par les coups reçus, celui-ci résista comme il put. Plusieurs jours durant, il subit l'isolement. C'était effrayant. La lumière était aveuglante. Xest apparaissait chaque jour et l'observait. Elle prenait des photos. La porte, quand elle se refermait, faisait un bruit horrible.

Quand Paul revint à la vie normale, il alterna travail et étude mais ne vit pas Winger. Cependant, on lui fit encore des intraveineuses et on le battit encore. L'agent Xest faisait venir d'autres gardiens, le menottait et observait la scène. Quand blessé et humilié, il restait face à elle, elle trouvait plaisant de le frapper au visage en lui donnant de petits noms de femme et elle se moquait de sa crainte de la fouille au corps.

-Tu verras, tu vas y prendre goût !

Au bout de dix jours il se sentit vaciller et au bout de quinze, il céda, les mauvais traitements ayant raison de lui. Comment pouvait-il résister ? A plusieurs reprises, il fut conduit chez l'instructeur Winger qui se contenta de l'observer. Assis sur une chaise, il était menotté.

-Hum, tu changes ? Es-tu encore Battles ?

Paul, éperdu, ne pouvait plus parler.

-Non, tu vois, ce n'est plus toi...

Il se promenait dans son bureau à pas lents, sa cravache à la main et observait sa victime avec cruauté et amusement.

-Tu vas recouvrer la parole, détenu. Nous savons bien que tu as des choses à nous dire...Maintenant que tu ne trouves plus déplacé de te montrer nu à ta gardienne et que tu restes nu devant nos médecins quand ils t'examinent, ta vie est différente...

Elle le devint plus encore quand Winger le fit rester immobile et debout près d'une heure dans son bureau. D'abord vêtu, il dut retirer ses vêtements et garder ses mains derrière la tête. L'instructeur fixait sa montre et attendait. Son regard se posait sur le corps de Paul et il guettait le moindre signe de faiblesse. Il était prêt à frapper. Quand l'heure se terminait, il se plaçait devant Paul qui se rhabillait. Quelquefois, il arrêtait ses gestes du bout de sa cravache.

-Nu de nouveau. Reprends ta position. Trente minutes.

 Les derniers temps, cet exercice qui tenait de la torture devint très difficile. A chaque seconde, Winger lui faisait comprendre qu'il n'était rien. Lors de la dernière séance, Paul flancha au bout d'une heure.

-Position réglementaire.

Il avait froid, il avait une crampe. Il tenta en vain de se reprendre puis gémit et tomba à genoux. L'instructeur leva sa cravache et Paul hurla. Aucun coup ne vint. Winger alla s'asseoir.

-Reste à genoux. Trente minutes, comme convenu.

Paul fit ce qu'il put.

-Rhabille-toi. Xest te ramène.

Winger souriait.

Puis, de nouveau, ils ne se virent plus.

Au fil des semaines, Paul changea. Ces mêmes médicaments qui l'avaient abruti semblèrent soudain le galvaniser. Il lui bientôt difficile de s'en passer et lui, qui s'était opposé plusieurs fois à ce type de manipulation, en vint à ne plus opposer de résistance. Son cerveau était brouillé et même son corps était en demande.

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Rééducation phase 1. Winger tisse sa toile.

 

 

Sa mémoire qui avait été mise à mal lui revint et il apprit sans difficulté les textes de Dormann.  De la même façon, il ingurgita ceux des chantres du régime et ne fut plus pris en défaut. Devenu efficace, il savait résumer tout texte politique émanant du pouvoir en place. Et il commençait à rédiger des confessions que l'inflexible Winger exigeait de lui. Il devait se décrire enfant, adolescent, jeune homme puis homme fait et ceci sous divers angles et le rigide formateur l'interrogeait impitoyablement sur ce qu'il avait écrit. Cette tâche lui était encore difficile mais l'instructeur se montrait pédagogue.

-Tu es toujours en phase 1, détenu mais tu as beaucoup changé. Tu mémorises et récites bien, c'est parfait. Revenir sur toi-même est un processus difficile mais sache que je veille sur toi. Je l'ai toujours fait !

-Oui, Instructeur.

-Tu es sincère ? Il y a eu des passages difficiles...

Paul avait peur.

-Parle. Tu n'oses pas peut-être...parler.

-Non, instructeur.

-Tu ne devrais pas. Je sais ce qui est bon pour toi. Tu comprends ?

-Oui, Instructeur.

-Non, pas encore... Mais c'est vrai.

Le temps continuant de s'écouler, Paul était devenu très performant à l'atelier où, ne commettant pas la moindre faute, il était rapide. On signalait aussi sa politesse.  On le changea de travail cependant et lui demanda de faire de la manutention. Il était assis, ce qui était moins fatigant, mais il côtoyait cette fois des droits communs qui avaient le droit de parler entre eux. Lui ne devait s'exprimer sous aucun prétexte. On attendait qu'il le fasse, bien sûr, mais il ne céderait pas !

L'instructeur Winger était incontournable et Paul qui l'avait détesté lors de leurs premières rencontres, attendait désormais leurs entretiens avec impatience. Hiératique, jeune et beau, ce rééducateur ne savait-il pas tout ?

-Tu as bien intégré les notions que nous t'avons inculquées, Paul. Tu fournis un travail impeccable. Xest ne se plaint plus jamais de toi et tu ne fréquentes plus guère l'hôpital...

-Je fais mon possible, Instructeur.

-Moi, j'en suis certain ! J'ai des éloges à te faire !

-Merci, Instructeur.

-De rien. Maintenant tu as les idées plus claires !

-Bien plus claires, Instructeur.

-Tu vois ! Je ne te bats même plus !

Pourtant, vint un moment où il dormit si mal qu'on dut l'hospitaliser quelques jours. Il ignorait bien sûr que les puissantes drogues qu'on lui administrait avait des effets pervers et que, parfois, on suspendait son traitement. On lui faisait tant de piqûres pour le maintenir en bonne santé qu'il en perdait son sens commun. Fiévreux, il délira. Quand il s'éveilla dans une chambre tendue de blanc, le bel instructeur était penché vers lui. Paul, qui flottait entre rêve et réveil se surprit à dire :

-Je suis si désolé...

-Mais de quoi ?

-Vous vouliez que je donne des noms mais c'est ma mémoire qui se dérobe tellement !

-Ah, les noms de ceux qui écoutaient tes absurdités ? Tu viens de le faire, tu as parlé dans ton sommeil. Nous avons pu faire les recoupements nécessaires, ne t'inquiète pas pour ça.

-J'ai parlé...

-Mais oui, Paul...Je te l'ai dit : ne t'inquiète pas. Ce que nous voulions savoir, nous l'avons su...

-Je ne suis pas certain, Instructeur...

-De quoi ? S'il manque des noms, tu compléteras la liste, voyons. Tu as fort bien fait. La délation est une vertu.

-Je ne suis pas un traître.

-Absolument pas : tu as fait ton devoir ! On va arrêter qui doit l'être et on réglera nos comptes. Rien de plus.

-Oui, Instructeur.

-A bas la vermine !

-Oui, Instructeur.

-Vous m'appelez toujours par mon prénom, désormais...

-Mais c'est naturel.

L'instructeur souriait légèrement.

-Et c'est la procédure. Tu comprends ?

-Non, Instructeur.

-Ici, la plupart des détenus ne sont plus personne. Ils sont habitués à n'être que des numéros ; ils sont interchangeables. L'un d'eux meurt : on prend ses vêtements de prisonnier et on les attribue à un entrant. Toi, c'est différent. Il n'est nul besoin de t'aider à oublier ton identité. Elle reste identique mais tout en toi est transformé.

-Oui, Instructeur.

-Tu es là pour nous servir...

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Prison Etoile. Rééducation phase 2. Paul tourmenté.

 

 

Paul sortit de l’hôpital et retrouva ces rendez-vous réguliers. Winger, moins hiératique, s'asseyait désormais face à lui. Son regard était moins dur. Grâce aux étranges confidences de Paul, des arrestations avaient été opérées. On avait fusillé. Mais Winger n'en avait parlé qu'une fois, comme d'événements subalternes et Paul, dont l’esprit était parfois très embrouillé, n’était pas sûr d’avoir bien compris. Demander des éclaircissements pouvait avoir des conséquences funestes, aussi s’en garda -t’il bien. De toute façon, l’instructeur était passé à autre chose.

-Paul, je songeais à tes années de formation. Enfant et jeune homme, tu avais de la liberté une bien étrange notion...

-En un sens, oui, Instructeur.

-Une conception fantasque et égoïste, nous sommes d'accord.

Paul hésitait mais le bel instructeur avait barre sur lui et quoi qu'il en dise, il le terrorisait...

-Quelle est ta réponse ?

-C'est assez vrai, Instructeur.

-Bien. Tu comprends donc que dès l'abord, tu risquais de te fourvoyer...

-C'est à dire, Instructeur.

-C'est un fait. Voyons Paul !

-J'ai pourtant été un bon journaliste des années durant, quand ce pays avait d'autres dirigeants...

-Ah mais certainement ! Cependant, nous avons relu les portraits que tu as dressés de toi-même. Tu es un idéaliste qui a basculé dans le fanatisme...C'est mal.

-Instructeur, j'ai résisté...

-Oui, Paul mais depuis que tu es ici, tu as bien avancé. Tu as résisté pour rien, c'est cela qui est grave, très grave même. Tu as mal agi. C'est pour cela que tu es rééduqué...

-Je suis sans cesse surveillé, instructeur.

-Oh mais voilà un petit garçon qui se plaint ! Quoi, je te passe la main dans les cheveux pour te consoler ?

-Vous vous moquez, Instructeur.

-Oui mais tu ne passes plus des heures nu devant moi à attendre mon bon vouloir et je ne te cravache plus !

Le ton était glacial et le regard dur. Quelles pouvaient être les limites d'un tel soldat dès qu'on le confrontait à un obstacle ? Il ne semblait en avoir aucune...

-Des regrets ?

-Non, Instructeur.

-Tu sais, Paul, quatre mois se sont écoulés et nous passons en phase 2 !  Tu as été rapide en évolution et as respecté les délais ! Quand je te dis que je suis content, c'est sincère !

Paul tremblait intérieurement. Les médicaments qu'on lui faisait prendre lui ôtait le sens commun mais ne l'empêchait pas d'avoir des craintes. Du reste, un jour, Winger ressortit la cravache de l'armoire métallique et il se mit à trembler.

-DS Cinquante-huit trois deux cent sept neuf était justement puni ! Je viens de te complimenter, toi Paul ! Crois-tu donc que je vais me montrer si retors ?

Paul n'était sûr de rien mais l'instructeur rapprocha sa chaise de la sienne et planta ses yeux dans les siens.

-Je te l'ai dit, tu passes en phase 2. Félicitations.

-Instructeur, vous me faites trop de compliments...

-Mais non ! Tu mérites des récompenses.

Winger présenta le manche de la cravache à Paul qui resta figé sur place, comme glacé de l'intérieur. Le bel instructeur était tout sourire.

-Ouvre la bouche.

Il fallut obéir. L'instructeur enfonça le manche de l'objet de terreur dans la bouche de son prisonnier, le transformant en objet de plaisir :

-Suce. Et ne quitte pas mon regard...

Paul obéit. Ses impressions étaient mêlées. C'était étrange et bizarrement excitant en fin de compte.

-Encore. Ton instructeur sait ce qui est bon pour toi.

Il suçait encore, conscient que la beauté physique de son formateur lui en imposait de plus en plus.

-C'est bien. Arrête.

Paul cessa immédiatement mais l'instructeur, adroitement cruel, réintroduisit le manche de la cravache dans sa bouche.

-Bien, très bien ! Tu en deviendrais gourmand, non ?

Paul rougit et n'osa pas répondre. Winger mit fin au jeu et posa la cravache sur le bureau. Elle n'était plus qu'un objet inerte qui était moins inquiétant.

-Ce n'est pas tout ! Tu as droit à un second présent ! Tiens voici des livres. Tu m'en réclames ! Note que ce sont de vrais livres et pas de la propagande...

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Rééducation phase 2. Exposer Paul au désir et à la culpabilité.

 

Markus lui remit un lot de revues et de romans enveloppés dans un grand emballage brun.

-Ne suis-je pas généreux ?

-Si, Instructeur.

-Et avisé ?

-Également...

Paul prit l’ensemble et entra en cellule. Il lui suffit de jeter un œil sur les couvertures des revues et des livres offerts pour en comprendre la teneur. Tout était pornographique. S'il avait été dans son état normal, même affaibli et déprimé, Paul aurait hurlé et aurait refusé pareil présent. Mais il était un prisonnier en rééducation. Depuis qu'il était là, il n'avait vu qu'une toute petite partie de la prison mais il la savait immense et inviolable. On ne pouvait s'en échapper ni s'en approcher. Il n'y avait aucun moyen pour lui d’échapper à ses tortionnaires, aussi prit-il cette attaque de plein fouet. Il feuilleta donc tout ce qu'il put, contempla des images obscènes et lut des pages entières de mauvaise littérature. Accouplements grotesques, pédophilie, zoophilie : tout était présent. Quand l’écœurement vint, il déchira les revues en menus morceaux et il fit de même avec les pages des romans. A n'en pas douter, Winger aboierait après lui et peut-être jouerait-il de nouveau de la cravache...Mais il n'en fut rien et dans les jours qui suivirent, il ne le vit pas, ce qui le surprit.

-L'Instructeur n'est pas disponible, Gardienne ?

-C'est lui qui décide.

-Je souhaiterais le voir, Gardienne. Pourriez-vous  lui transmettre ma requête.

-Oui, détenu.

L'instructeur, quand il le vit, ne parut pas troublé.

-Tu voulais me voir ! Tu as insisté, il paraît !

Paul était mal à l'aise.

-Ces livres, je n'ai rien gardé, j'ai tout détruit...

-Oui et alors ?

-C'est une faute, Instructeur.

-Pourquoi ?

-J'étais un porc, je le suis toujours.

-Non ! Pas du tout !

-En êtes-vous certain ?

-Bien sûr Paul.

-Mais tout de même, Instructeur, c'était un présent...

-Ne t’inquiète pas, Paul. Je sais ce que je fais quand je t'offre un cadeau. Tu aimes les femmes nues, les grosses poitrines, les sexes épilés, alors pourquoi pas ? Mais nous ne nous sommes pas compris. Qu'à cela ne tienne : il t'arrive un autre cadeau...

L'entrevue fut brève. Winger avait autre chose à faire ; il le congédia. A priori, l'incident était clos mais à quelques jours de là, ce fut Xest qui monta au créneau.

-Tu as déchiré ces photos mais elles t'ont excité.

-Non Gardienne !

-Ah avec moi, ça ne marche pas !

Elle paraissait furieuse mais l'instant d'après, elle lui adressa un sourire engageant.

-Viens là.

Il la vit vérifier le verrouillage de la porte, voiler les caméras et se mettre nue. Elle voulut qu'il fasse de même :

-C'est que tu as été privé...

L'esprit troublé, Paul céda aux injonctions de la grosse femme persuadé d'obéir à son instructeur. Influencé malgré tout par les images qu'il avait contemplées, il fit brutalement l'amour avec elle, ce qui parut la ravir. Quand, échappant à une exaltation étrange qui s'était emparée de lui, il redevint calme, il s'interrogea. Le cadeau promis par le rusé Winger, c'était bien cet accouplement ? Il eut un doute puis se rassura. Oui, ce ne pouvait être que cela...

Rapidement, cependant, il fut convoqué. Depuis la veille, l'agent Xest n'était plus avec lui. On l'avait, semble t'il remplacé par un grand homme brun taciturne, l'agent Koba. Ce fut celui-ci qui le conduisit jusqu'au bureau de l'instructeur. Vêtu de noir, hiératique et superbe, celui-ci lui présenta un visage fermé.

-Merci Agent Koba, vous pouvez vous retirer. Paul, reste debout. Il faut qu'on s'explique.

Il venait de prendre la cravache qui avait tant effrayé Paul dans son armoire et le toisait.

-Mains dans le dos. Baisse les yeux. Tu te joues de moi, hein ?

-Je ne comprends pas, Instructeur.

-Ah non ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu as quelque chose à me dire...

-Ce sont ces photos déchirées !

Paul le vit lever le bras. Il allait être cravaché. Affolé, il gémit.

-Mais si ce n'est pas cela, qu'est-ce c'est ? Pardon, Instructeur.

-Qu'est-ce que tu as fait avec l'agent Xest ?

-Tout ce qu'elle a demandé, Instructeur.

La cravache était posée sur sa joue. L'instructeur se contenait encore.

-Et d'où as-tu sorti que tu devais lui obéir ?

-Mais c'est la règle, Instructeur ! Vous même m'avez dit de faire tout ce qu'elle demandait.

C'était litigieux puisqu'il n'avait jamais été question de sexe entre elle et lui mais Winger, interpellé, ne cravacha pas. Il alla s'asseoir à son bureau et parut pensif.

-Paul, dis-moi comment ça s'est passé.

-L'agent Xest me voit nu tous les jours. Cette fois, elle s'est montrée provocante.

-Provocante ? Elle ! C'est un comble ! 

-Elle a beaucoup crié elle m'a dit que c'était une suite logique, Instructeur, que ça allait de pair avec mon conditionnement...

-On te conditionne pour que tu répondes aux avances d'une truie ?

-Non, bien sûr que non, Instructeur.

Paul était affolé. Winger prit un air de conspirateur.

-Où t’a -t’elle surtout touché ?

Paul rougit et baissa les yeux.

-Où ? Réponds.

-Elle a touché mon sexe...

-Ah oui bien sûr...Et toi ? Regarde-moi et réponds.

Paul balbutia :

-Ses seins, sa..., enfin vous savez bien, Instructeur.

-Non, justement, je ne sais pas. Et tu as osé faire cela... 

Il y avait de quoi être terrorisé et Paul se courba sous le poids de la honte. Il savait ce qu'il en coûtait de mécontenter Markus Winger.

-Vous m'avez dit que je finirais par la trouver agréable...Je ne sais pas...J'ai pensé que c'est vous qui...

 

 

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Paul commet une haute. Colère de l'instructeur.

 

Winger se redressa et le regarda, effaré.

-Moi ? Je voulais que tu baises cette truie ?

-Instructeur, j'ai pensé que oui...

Paul était mortifié. Xest s'était mise nue et avait exigé des gestes, des actes. Elle avait une poitrine énorme et entre les cuisses une fourrure épaisse et noire qui lui descendait sur le haut des cuisses. Il avait peiné, elle s'était mise à gémir en le maintenant sur elle... Que pouvait-il dire ? Qu'il n'avait pas pu se contenir après des mois de privation ? Qu'elle avait tellement raillé le mâle en lui qu'il avait voulu lui montrer de quoi il était capable ? L'instructeur était bien trop adroit pour le croire sur paroles. 

-Quoi ! Tu as pensé que oui ! Eh bien, c'était, non. Elle s'est servie de toi et elle s'est jouée de moi. Tu sais qu'il n'y a rien sur les caméras de surveillance ?

-Instructeur...

-Ah mais quelle garce ! Bon, heureusement, quelqu'un l’a balancée. Tu ne la reverras pas. Elle est punie...

Paul resta silencieux. Le pire était à venir. L'instructeur, courroucé, marchait de long en large et sa voix était pleine de colère :

-Paul, pourquoi as-tu reçu ces livres ?

-J'ai cru...

-Pourquoi ?

-Pour être dégoûté de moi-même. A cause des maîtresses que j'ai eues et des prostituées que j'ai fréquentées. C'étaient des images vulgaires et agressives, des accouplements grossiers. J'ai aimé ce genre de corps de femmes. J'ai aimé le sexe un peu brutal avec...avec...

-Et donc, ça t'a éclairé sur toi-même ?

-Oui, Instructeur. J'ai été écœuré...

-A tel point que tu as déchiré ces pages car elles te soulevaient le cœur !  Je t'ai dit que tu avais tort mais c'est faux ! Je t'ai amené à détester ton goût pour ces femmes lubriques car elles sont malignes, pernicieuses et peu dignes de confiance ! Tu as honte, ce qui montre bien que tu es d'accord avec moi mais très peu de temps après, tu montes ta gardienne ! Et tu crois que c'est mon plan ? C'est totalement contradictoire, pourtant ! Quelle image as-tu de moi ? Quelle image !

Il s'était approché, insidieux et le toisait de nouveau.

- Réponds !

-Terrifiante, Instructeur.

-Mais cohérente ! Hein, je suis cohérent !

-Oui, oui, cohérent Instructeur...

-Et admirable ?

-Certainement, Instructeur.

-Je n'ai pas commandité cela.

-Pardon, Instructeur.

-Quel besoin avais-tu de fourrer cette truie, Paul ?

Paul resta muet.

-On t'a donné des médicaments qui t'ont ôté tout désir sexuel les premiers mois mais ton traitement est inversé maintenant. Tu peux bander comme un âne tout en restant sous contrôle. J'aurais dû me méfier, pas de toi mais d’elle ! Elle t'a eu !  Franchement, elle est presque obèse ! Et malgré tout, ça t'a plu !

-Non, ça ne m'a pas plu, Instructeur...

Winger eut une grimace obscène et Paul se sentit plus effrayé encore :

-Menteur !  Tu l'as fourrée ! Elle a eu droit à ton foutre !  Je pensais sincèrement que tu avais fait du chemin et que tu étais à même de ne pas répéter tes erreurs. Illusion !

Il va me battre...Paul était sidéré à l'idée de la correction qu'il allait recevoir. En matière de gifles, de coups de poings et de coups de pied, il n'y avait rien à apprendre au bel instructeur. Mais alors qu'il se résignait, Winger balaya l'espace d'un geste de la main et temporisa.

-N'aie pas peur ! Je ne vais pas te frapper, voyons ! Enfin, sauf, si tu l'exiges...

-Je vous ai déçu, Instructeur.

-Oui. Que veux-tu de moi ?

La cravache était posée en travers du bureau, luisante.

-Pas elle ? Tu ne l'aimes pas hein ?

Paul frémit.

-Puni, je dois l'être, je le sais bien... 

-Ah, je savais que tu y tiendrais !

Les gifles tombèrent sournoises et plus fortes encore et Paul qui avait reçu l'ordre de placer ses mains dans son dos, n'osa les éviter. Pour finir, Winger prit sa cravache...

-Dis merci.

-Merci Instructeur.

-Bon, je t'ai mis Koba comme gardien. Muet comme une carpe et bien dressé. Même principe. Surveillance, convoyage et fouille au corps. Tu ne verras que des hommes. Une question ?

-Mais la fouille au corps, enfin vous savez bien...Je suis filmé sans cesse, je vous en prie, instructeur, ce n'est pas si nécessaire...

Abattu, Paul resta silencieux. Winger s'approcha très près de lui et lui murmura à l'oreille :

-Qui commande ici ? Qui sait ce qui est bon pour toi ? Moi, je le sais, Paul. Tu as commis cet impair mais tu en ressortiras renforcé. Tu tiens à ton instructeur et ton instructeur à toi...Quoi d'autre !

-Rien, Instructeur.

-Je comprends pour la privation sexuelle, Paul, je ne suis pas un monstre, tu sais ! Si tout se passe bien, moi, dans ma mansuétude, j'aurais des solutions à te proposer mais en attendant, plus rien, tu entends ? Plus rien.

Il ricanait maintenant, comme un mauvais élève content d'une obscénité qu'il a dite, puis il reprit :

-Je t'ai promis une récompense. Dans ta sottise, tu as pensé qu'il s'agissait de cette chienne mais je t'ouvrirai les yeux !

Ces yeux bleus si durs, ce visage impérieux, cette violence suave...Ce qu'il avait lu sur la prison Étoile était vrai. On vous y détruisait.

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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