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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Rééducation à Etoile. Phase 2. Paul dans l'embarras.

 

La seconde période commençait mal et dans les temps qui suivirent, ce fut pire. Tout s'estompait. Paul perdait le fil des jours et des heures. On l'avait encore changé d'atelier et cette fois, il mettait des biscuits dans des boites. Chacun portait des masques et personne ne parlait d'autant qu'une musique tonitruante envahissait les salles de travail dès son arrivée et ne s'arrêtait jamais. C'étaient des airs militaires, des hymnes...Le trajet entre ce nouvel atelier et le bureau de Winger était long et celui-ci s'était mis à le convoquer pour un oui pour un non, ce qui acheva de le déstabiliser. Paul, malgré tout, ne se trompait plus jamais sur les couleurs des vêtements à porter en fonction des semaines, prenait toujours ses traitements. Il avait belle apparence malgré les coups reçus car à Étoile, on utilisait de puissants cicatrisants qui rendaient vite invisibles les traces de maltraitance. Le détenu en gardait la mémoire mais il lui était impossible d'aborder le sujet devant celui qui niait tout. Je t'aurais cravaché au visage et on ne verrait plus rien ? Qu'est-ce que tu me chantes ? Attention, détenu, tu cherches à me mettre en cause ?

sur ses gardes, il était ponctuel aux rendez-vous de Winger et parlait beaucoup. Celui-ci avait réussi une fois encore à le retourner. Paul   avouait avoir quitté sa solide position de journaliste adulé pour poursuivre un idéal un peu fou. Il avait voulu être le garant de la vérité, celui qui dénonce une dictature car il en connaît tous les secrets. Il avait encouragé la violence et l'aveuglement...Fin stratège, Winger alternait questionnement sur la vie publique et interrogations privées. Sans qu'il le voulût vraiment, Paul lui permettait de savoir quel jeune homme amoureux il avait été, quel mari, quel père et quel amant. Il en disait sur sa sexualité bien plus qu'il ne le croyait et quand il lui venait des moments de lucidité, il avait peur d'en avoir tant dit. Du reste, Winger finit par lui faire remarquer qu'il était paradoxal :

-Avant d'être en cavale, Paul, tu as eu beaucoup de femmes en dehors de ton épouse légitime.

-Oui, instructeur, je sais, c'était mal...

-Ta femme était revêche, désagréable et qui plus est, assez laide !

-Mais non, je...

-Quoi ? Pas de seins, une touffe rousse ! Évidemment que tu es allé vers de belles femmes...Cela m'amène à une remarque de fond. Je vais te faire relire ce que tu m'as dit lors d'un de nos entretiens. Tu aimes les femmes pour leur force sexuelle et une certaine sauvagerie qu'elles ont et qui te plaît mais dès qu'il s'agit d'admirer, de s'inspirer de, de copier, de s'aligner sur, tu te tournes vers les hommes. Ça commence avec ton père et ça continue avec des enseignants que tu as eus, des écrivains, des philosophes, des journalistes...Et tu sais quoi ? Tu aimes la virilité, le courage, le sacrifice...Tu aimes l'aplomb et la solidité. J'ai là une lettre de ton frère, celui qui nous sert si bien. Il te décrit exactement comme je le fais : épris d'Alexandre le Grand, de César, de Shakespeare, de Napoléon, ou encore de Bismarck. Il dit que tes amitiés masculines étaient sélectives et très fortes quand tu étais enfant et que...enfin...Comment te dire ça en te ménageant...Il le faut car tu as fait de si grands progrès...Bref, il dit qu'à son avis, tu as pris femme par convenances sociales. Il en est allé de même de tes maîtresses que tu as collectionnées pour affirmer ta virilité. Tu t'es menti.

Winger eut un sourire perfide : il était prêt à poursuivre.

 

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Paul et l'instrustreur Winger. Contrainte et obligation de se contredire.

 

Tu utilises les femmes mais ce sont les hommes que tu aimes. On va débrouiller tout ça Paul...

-Lequel de mes frères a dit cela, Instructeur ?

-Le plus jeune, imbécile. Bon, venons-en à cette Lisbeth...

-Je me suis marié par amour, instructeur.

-Oui, tu as écrit ça, je l'ai lu.

-J'aime toujours ma femme.

-Mais elle est crevée, non ?

-Instructeur, je n'en suis pas sûr. Et quand bien même, est-ce ça empêche d'aimer ?

-Il me semble que oui. Qu'est-ce que tu aimais chez ta femme ? Elle n'avait ni gros seins ni gros cul...

-Instructeur, j'aimais son intelligence, sa vitalité, ses cheveux, ses lèvres. J'ai aimé la voir enceinte.

-D'enfants dont tu t'es débarrassé...

-Je les ai fait partir pour les protéger.

-Ou parce qu'ils vous gênaient. L'hystérie de ta femme ne t'a pas dérangé ?

-Elle était excessive pas hystérique.

-Faux. Je dispose d'un diagnostic sur elle. Un excellent psychiatre.

-Tu t'es amusé avec d'autres femmes et elle-aussi elle t'a trompé !  Avec des hommes et avec des femmes. Tu savais qu'elle était lubrique ?

-J'étais insatisfait moi-aussi.

-Réponds à ma question. Tu le savais ?

-Elle tombait vite amoureuse, Instructeur.

-Ah ah ! En dix ans, elle a eu au moins quatre liaisons dont deux féminines.

-Je l'aime toujours et elle m'aime aussi.

-Tu ne l'as pas vue depuis plus de quatre ans. Ton mariage a été un échec.

-Je ne pense pas, Instructeur.

-Tu refuses de le voir. Mais tu te rendras à l'évidence...Si elle est encore vivante, à l'heure actuelle, elle est sans doute au lit avec une femme qui lui bouffe la chatte. Tu te sens respecté ? Non, tu ne le peux pas. Et si elle est morte, qui te dit qu'elle a pensé à toi en dernier lieu ?

-Moi, avant de mourir, je penserai à elle.

-Tu penseras à cette bouffeuse de chattes ?

-A ma femme.

-Tu es coriace Paul mais tu perds du terrain ! En tout cas, je ne m'ennuie pas...Et puis, ce n'est certainement pas d'elle que tu rêveras quand tu seras à l'article de la mort.

-De qui, alors, Instructeur ?

-De quelqu'un qui aura été un vrai compagnon, un compagnon loyal. Tu es en bonne voie pour le rencontrer dans quelques temps. Tout d'un coup, tu sauras. Bon mais tu n'en es pas là. 

Winger parut avoir terminé mais soudain, il de reprit.

-Au fait, j'ai pris un rendez-vous pour toi.

-Un rendez-vous, Instructeur ?

-Oui, il y a deux bordels ici. L'un est réservé à l'élite du camp ; directeur, administratifs, instructeurs et l'autre est réservé à un petit lot de prisonniers. Dans le premier cas, les filles sont des prisonnières. Elles ne touchent pas d'argent mais mangent un peu mieux et sont surveillées médicalement. Dans le second, elles sont stylées. Certaines sont déjà expérimentées et les autres sont très studieuses. Malheureusement, ce bordel haut de gamme t'est fermé. Je t'en ai choisi une dans le bordel de base. Une jolie fille. Elle a dix-neuf ans.

Paul la vit une fois puis une autre. Il prit un plaisir aveugle puis revit le bel instructeur.

-Bon, cette pute ?

-Vous la connaissez, Instructeur ?

-Ne m'insulte pas. Pourquoi la connaîtrais-je ? Je t'ai permis de te soulager, rien de plus. Alors ?

-J'ai bien aimé.

-Bien aimé ! Tu me fais rire !  Mais je suis optimiste et généreux.

Winger avait raison de l'être car Paul avait beau se battre courageusement, il en arrivait à se contredire.  Cette prostituée avait été accommodante avec lui et oui, il avait pris son plaisir mais elle l'avait presque dérangé en ayant des formes aussi féminines. Et elle était trop maquillée aussi. On lui en fournit une autre qui avait un corps peu féminin. Plutôt androgyne, en fait. Peu de hanches, de petits seins et un visage un peu dur qui, si elle avait eu les cheveux courts, aurait créé le doute sur son appartenance sexuelle...

-Elle était mieux ?

-Oui, Instructeur. J'aimais mieux son corps.

-Ah oui, pourquoi ?

-Des seins menus, des hanches étroites...

-Pas trop maigre ?

-Non, Instructeur.

-Bonne sexuellement ?

-Oui, Instructeur.

-Je pensais que tu les aimais bien en chair et avec une grosse poitrine mais tu changes, on dirait ! Bon, je dirais qu'on t'en donne des comme ça. Cheveux courts. Presque des jeunes garçons...

Paul commençait à comprendre que le bel instructeur avait lui-aussi quelque chose d'androgyne. Ce teint clair, ces longs cils, cette bouche...Winger détenait un pouvoir sur lui et celui-ci allait au-delà de la crainte qu'il lui inspirait car il procédait du désir...

-Non ?

-Un peu plus de poitrine...

-Ah, ça te reprend. Les gros seins.

-Pardon, Instructeur.

Quand il était critique, le regard bleu dur de l'instructeur Winger brillait d'une joie cruelle.

-Comment ça pardon ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je fais erreur ?

-Tout est si confondant, Instructeur.

-Je me trompe oui ou non...

-Instructeur…

-Oui ou non !

-Oui.

Un coup entre les jambes le faisait se plier de douleur.

-La réponse est non. Ce que tu veux, je le sais mieux que toi !

21 janvier 2025

Battles. Partie 1. Rééducation. Phase trois.

 

Winger lui avait pris un rendez-vous avec une autre fille, longiligne cette fois et il le nargua. Refuser de la voir était impensable. Ne pas faire de compte rendu non plus. Chaque séance se terminait par une invitation à bien réfléchir. L'instructeur prenait des airs gourmands.

-Tu fais le tour de toi-même. Tu me dois d'être devenu si clairvoyant ! Je suis bon, je t'ouvre des perspectives et je ne t'empêche pas de baiser. Ta vie reposait sur une mauvaise hiérarchie des valeurs : ce n'est plus le cas !

Et il ajouta :

-Je me suis appuyé sur nos entretiens pour rédiger tes aveux. Il te faudra les signer. Ils sont obligatoires pour ton passage en phase trois. Ce n'est après tout que l'aveu de tes forfaitures...

Dans les jours qui suivirent, Paul passa par tous les stades, de l'apathie à l'exaltation. Il sentait qu'il allait signer des documents qui l'engageaient complètement, qu'il allait se renier et en le faisant, entraver l'action de la résistance. S'il ne signait pas, on le battrait ou le tuerait. La manœuvre de Winger visant à lui faire renier sa vie passé pour adopter de nouveaux idéaux.

-Tu deviendras un chantre du régime, un journaliste qui a su se repentir et parler différemment. Tu seras soutenu, tu seras acclamé.  Sur Jorge Dormann, on en raconte tellement ! Ne crois pas que tu seras persécuté une fois réhabilité…Le Régime ne fera rien à quelqu'un de ta trempe, il a trop besoin de toi. Bientôt, tu nous auras tout promis. Tu pourras nous servir. Et de toute façon, tu auras ton Instructeur à tes côtés !

« Je soussigné, détenu cinquante-quatre vingt-trois deux cent sept neuf DS, atteste avoir exercé les activités illicites suivantes... »

-Signe, Paul, signe.

Paul regardait les feuillets mais restait interdit. Winger, penché à son oreille, parlait froidement.

-Paul, je fais exécuter la dernière pute que je t'ai fourni si tu ne signes pas.

Il restait immobile.

-Je ferai en sorte de faire arrêter des civils qui avaient un vague rapport avec toi et ils seront fusillés. Si tu ne le souhaites pas, signe !

Outre l'horreur de ce qu'on lui demandait, c'était la fascination que le bel instructeur exerçait sur lui qui le crucifiait chaque jour davantage. Sous les vêtements réglementaires, le corps nerveux et presque aristocratique de son geôlier était une preuve de sa force. Des pensées l'agitaient. Il se disait souvent : "Je pourrais être comme lui, si altier. C'est un Seigneur, j'en serais un. "

-Signe. Tout est en route : ils mourront et qui se souciera d'eux ?

Et il signa. Winger exulta :

-Ah, enfin ! Avec toi, ça aura vraiment été un plaisir ! Je crois toujours que ça y est, j'ai tout annihilé en toi et non...Tu te redresses ! Mais ça y est, tu as signé tes aveux. Ta femme s'est enfuie mais tu pourras divorcer d'elle. Tes enfants sont en Amérique et ils n'auront rien de tes avoirs. De toute façon, tu les as reniés.

Il se tenait contre le mur, tout en noir, guettant les réactions de Paul.  Celui-ci se mordit les lèvres et serra les poings, refusant de voir que le sourire de l'instructeur s'élargissait. Celui-ci s'approcha, effleura de la main la joue de Paul puis lui dit :

-J'aurais dû t'abattre si tu avais refusé mais j'ai su te convaincre. Remercie ton instructeur.

-Merci Instructeur Winger.

Le jeune homme était tout près de lui : il avait un cil sur la joue et Paul hurla intérieurement. Le lui retirer aurait ressemblé à un aveu criant de désir. Mais portant une main à son visage, Markus y trouva lui-même le cil et le tint entre ses doigts.

-Oh, regarde ! Ouvre ta main, détenu !

Et il l'y déposa en fixant Paul sans se départir de son sourire. Et il ajouta :

-Phase trois.

Elle commença par une opération dite bénigne dont on ne lui dit rien. Elle serait suivie d'une autre un mois après puis d'une dernière en fin de parcours. Dans chaque cas, Paul se remettrait très vite. Il acquiesça et ne posa pas de question. On ne lui ne demanda plus de travailler mais d'occuper un bureau et d'y écrire l'inverse de ce à quoi il avait cru. Il devait lire son travail à Winger et déclamer ensuite ses textes. Il s'occupait aussi de communications internes à la prison, rien de crucial, rien que des propositions de banquets ou des meetings sportifs pour les membres de l'encadrement.

On lui demanda parallèlement de faire du sport en salle et il devait voir un masseur et un kiné. De plus, des médecins expérimentés s'occupèrent de son visage et de son corps et il eut belle allure.

16 janvier 2025

Battles. Partie 1. Fin de formation. Paul rééduqué.

 

On l'avait changé de cellule depuis qu'il avait signé ses aveux et il logeait maintenant dans la même aile que son instructeur. Celui-ci exigeait maintenant qu'il récite des professions de foi. Il avait renié sa femme et son mariage d'une part, ses mentors et ses références philosophiques et littéraires de l'autre. Il posait sa candidature à une société d'intellectuels qui tous prônaient la supériorité du fascisme sur les autres régimes. Dès son retour dans le monde, il l'intégrerait. Ainsi, tout était transformé en lui et il lui était simple désormais de vanter l’œuvre de Dormann. A ce stade de sa reprise en main, Paul avait cessé de s'inquiéter de son absence totale d’esprit critique et de rébellion.

Winger et lui conversaient beaucoup mais cette fois, ils nouaient une complicité intellectuelle. Le ton de leurs conversations était courtois désormais et non plus empreint d'agressivité et de peur comme aux premiers temps. Il était pourtant très clair que Paul avait intégré un schéma dans lequel Markus lui était à la fois supérieur et indispensable. Qu'il ait tué Battles en lui était le meilleur qu'il ait pu faire !

Tous deux faisaient du sport ensemble, jouant au tennis ou nageant de concert. Il existait à Étoile bien d'autres lieux que les cellules de prison, les divers ateliers et les salles de stockage et bien lieu du centre hospitalier où de l'unité pour les fortes têtes. Il y avait de fort belles installations. Beaucoup de gens travaillaient là et il leur fallait des logements, des magasins spéciaux, des installations sportives et mêmes des écoles. Il y avait un jardin d'enfants et les familles qui avaient des animaux domestiques fréquentant parfois un vétérinaire. Ainsi, si pour une bonne part des habitants de cette zone, la vie était un cauchemar, pour d'autres, elle avait des côtés agréables. L'appartement de Winger était petit mais cossu et confortable et il allait de même du studio dans lequel Paul vivait désormais. Il portait toujours un uniforme mais composé d'un pantalon et d’une veste stricte mais bien coupés, il n'était pas diminuant. On lui avait donné de belles chemises et de belles chaussures et pour ce qui était de son apparence physique, il avait désormais droit à un kiné et un masseur. Qui l'aurait croisé ainsi, dans un contexte différent, l'aurait trouvé accrocheur et séduisant. Et pour ce qui était de son travail, il n'était plus qu'intellectuel.

Restaient les besoins physiques, l'amour étant exclu.

-Je peux demander une dispense pour que tu acceptes au vivier des cadres.

-Je ne suis pas certain...

-De le mériter ? Bien sûr que si. Elles sont plus belles. Mais bon, il te faudra attendre la réponse des autorités.

-Mais vous ?

Winger haussait les épaules.

-Que tu sois à mes côtés me suffit.

S'il n'avait été à ce point conditionné, Paul aurait été saisi d'horreur à par ses propos mais il n'en était rien. Markus était chaste, voilà tout.

Plus tard, il lui annonça d'ultimes examens médicaux.

-Ils sont nécessaires, Instructeur ?

-Bien sûr, Paul ! Mais tu ne dois pas t'inquiéter car tu es dans une forme excellente !

-Vous me rassurez. J'ai déjà subi deux opérations.

-Elles t'ont fait le plus grand bien.

-Mais je l'espère...

-Il y aura juste une petite chose, un simple ajustement final...

-Oui, Instructeur.

A la clôture de la troisième phase, tous deux partiraient pour Dannick et là, Markus piloterait ce journaliste rebelle soudain repenti dans les couloirs du plus grand quotidien national où il devait rapidement devenir une vedette... Le jeune instructeur en concevait une grande fierté :

-Tu es ma meilleure réussite ! Bientôt tu montreras au monde combien ton pays est grand et son dirigeant puissant ! Tu seras l'image même de celui à qui on a ouvert les yeux ! Quel impact sur nos détracteurs ! Nous formerons une alliance tous les deux et nous serons inattaquables. Nous sommes la race des seigneurs !

Entre partie de tennis, natation et partie d'échec, Paul s'essayait à écrire des articles sur l'économie du pays, son armée, ses institutions culturelles et la personnalité de son chef. Il s'agissait plutôt d'exercices mais Markus tenait à ce que son disciple les fasse afin de le préparer à sa mission. Quand les textes étaient écrits, le dangereux instructeur les commentait. Il était content.

 

 

16 janvier 2025

Battles. Partie 1. Sofia, prostituée réservée, et Paul.

 

Sofia était belle et portait de la lingerie fine. Elle était à même de discuter de sujets divers et se comportait en courtisane accomplie. Peu bavard, pressé de s'accoupler, Paul ne parla pas d'abord. Ils couchèrent ensemble puis elle lui parla.

-C'est la première fois qu'on me présente un détenu qui est, il est vrai, en fin de rééducation. Je ne vois que des gradés et des administratifs haut placés.

-Ah oui ?

-Vous étiez un « Monsieur » avant, ils le savent. Vous avez de belles manières.

-J'ai oublié.

-Mais si ! Votre maintien ! Vos belles mains !

Paul, qui voulait la pénétrer ne nouveau, ne répondit pas. Elle ajouta malgré tout.

-Je sais, je suis sûre ! Qui vous étiez !

-Qui j'étais ?

-Oui ! Enfin on vous écoutait tous ! C'étaient des moments si magiques !

-Vous m'écoutiez ?

Il glissa la main entre ses cuisses pour l'exciter puis la lécha. Elle voulait parler mais il l'en empêchait. Comme il se préparait à la pénétrer, elle lui dit :

-Winger est vraiment dangereux. Vous le savez ?

-Non.

-Mais si, enfin !

Il ne releva pas, lui écarta davantage les jambes et lui fit l'amour. Quand ils s'apaisèrent, elle lui caressa le visage et parut heureuse.

-Vous semblez repu...

-Toi-aussi.

 Enhardie, elle le questionna.

-C'est différent ? Je veux dire des autres filles qu'on vous fournit...

-Oui, toi, tu as l'habitude.

-Pas les autres ?

-J'ai trouvé que non. Toi, tu t'y prends vraiment bien.

-Je faisais déjà ça avant. Je recevais. Je gagnais bien ma vie.

-Ah !

-Tu aimerais savoir comment je vivais ? En dehors de la prostitution, je veux dire.

-Non.

-Je vois. Tu ne veux parler que de sexe...

-Oui, la prochaine fois aussi. Tu as de beaux seins, une jolie chatte. Tu sais exciter.

Elle parut perplexe.

-La prochaine fois ? Je ne sais vraiment pas.

-Moi, je pense que si. Mon Instructeur voudra. Tu sais comment faire avec les hommes. J'ai joui très fort. C'était bien mieux.

Elle se ferma.

-Je suis là pour obéir. Ils décident, pas moi. Et je ne sais pas ce qu'ils exigeront de moi.

Et elle ajouta :

-Il y aussi un bordel de garçons ici, ils te l'ont dit ?

-Non.

Paul se raidit. Elle parut gênée.

-Votre instructeur aimerait probablement que vous le sachiez.

-Je n'en sais rien.

Elle soupira.

-Si.

Que voulait-elle ? Pourquoi devenait-elle si personnelle ? Il se récria :

-Mais voyons, ce sont des mœurs contre nature ! C'est vil. Mon Instructeur ne saurait avoir de telles idées ! Il est idéal !

Elle le scruta puis soupira.

-Quand on vous rééduque comme ça, vous n'êtes plus curieux. On les oblige aussi, vous savez. Et toi, on dirait que tu ne vois plus rien. Je suis sûre qu'avant, tu étais observateur...

Paul lui mit la main sur la bouche pour la faire taire. Elle parlait avec ses yeux, lui enjoignant de prendre garde. Il retira sa main. Maintenant, elle avait peur.

-Écoute, tu n'as rien entendu de ce que j'ai dit car je n'ai rien dit. Tu comprends ? Rencontrer quelqu'un comme toi, c'est très étonnant pour moi, c'est pourquoi je t'ai questionné. Mais tu te souviendras ? On a juste parlé de sexe.

-Je me souviendrai.

-C'est bien pour toi comme pour moi.

Elle lui offrit un sourire triste et il la laissa.

16 janvier 2025

Battles. Partie 1. D'inutiles stratégies pour fuir.

 

 

Ils eurent un jour une conversation importante. Winger voulait connaître les scénarios inventés par le détenu DS cinquante-huit trois. Deux cent sept neuf quand il était arrivé sur les lieux et qu'il croyait possible de s'échapper...

-J'ai bien pensé à rejoindre la partie centrale, à me faufiler à l'extérieur et à monter dans un camion en partance pour des terres plus clémentes. Et ensuite, j'ai imaginé une autre stratégie. Je passais d'une aile à une autre et rejoignait le secteur de l'alimentation et là aussi, je cherchais un convoyage pour Dannick, cela ne présentait pas grand intérêt. Mais j'ai vite été déstabilisé et j'ai compris aussi que je ne réussirais pas.

-Rien d'autre ?

-Je me suis dit que je parviendrais à m'emparer d'une arme et que je pourrais vous prendre en otage. C'était risqué car je ne suis pas un bon tireur et vous, si...Dans le meilleur des cas, j'arriverais à me mettre au volant d'un véhicule et je m'enfuirais...

-C'est tout ?

-Non. J’ai pensé à me mettre en danger : intoxication médicamenteuse, défenestration, asphyxie...Mon état serait trop grave pour qu'on puisse me laisser sur place. On m'évacuerait et je filerais...

-Merveilleux !

-Ce n'était que des rêves, Instructeur...

-Des rêves dangereux pour un détenu. Tu serais mort très vite. Mais changeons de sujet ! A Dannick, tu prendras des leçons de tir. Ça peut toujours servir...

-Instructeur, apprendre à tirer ? J'ai déjà quelques connaissances.

-Oui, je sais. Le régime a des ennemis, tu es bien placé pour le savoir. Tu apprendras bien mieux. Tu ne manqueras pas ta cible.

 

Paul, qui ne savait plus rien de l'extérieur, ne comprit pas pourquoi son départ était repoussé ni pour quelles raisons il lui était demandé de rester deux mois de plus. Pour le tester sans doute, on lui avait confié des cours d'instruction générale à dispenser à une vingtaine de détenues. Certaines étaient là depuis très longtemps et étaient sujettes à d'importantes pertes de mémoire. Paul travailla avec elles pendant près de deux mois sans avoir la moindre idée de ce qui les attendait. Il était bon pédagogue et bien que ferme, il n'était pas cruel de sorte qu'elles l'aimaient. Elles avaient été dissidentes à ce qu'il avait su ;  en réalité, elles n'avaient souvent été que de simples boites aux lettres ou des campagnardes qui avaient accepté par bonté d'âme et solidarité de cacher des fuyards. Le système judiciaire du Guide Dormann les avait condamnées sans état d'âme à une mort lente et à une lente déchéance. Mais pour Paul qui les instruisait, rien n'allait de soi.

16 janvier 2025

Battles. Partie 1. Paul et Winger. Derniers échanges avant transfert.

 

 

L'instructeur, quand il revit Paul, se montra curieux.

-Alors ?

-Belle, stylée, courtisane.

-Tu as tiré ton coup deux fois ?

-Oui, Instructeur.

-Mais, c'était déjà le cas ! Alors, quelle différence ?

-Elle était partie prenante et elle a joui elle-aussi. Les autres faisaient semblant. Et quel corps !

-Magnifique ! Pas trop bavarde ?

-Non, juste pour me guider...

-Elles sont dressées comme ça. Mieux vaut pour elles qu'elles ne parlent que de sexe. Elles le font avec classe, parait-il...

C'était perturbant mais il ne commenta pas. Et concernant les garçons, il fut muet. Il aurait ouvert là une discussion où Winger aurait, encore, une fois, eu le dernier mot...

Pour finir, il constata que l'instructeur ne lui proposait plus rien et il vint aux nouvelles.

-J'aurais aimé revoir Sofia ou sinon, avoir affaire à une de ses comparses.

Winger fut sec.

-C'est terminé.

-Ce sont de jolies femmes, Instructeur.

-Oui, mais ça suffit. L'une d'elle a trop parlé.  Justement cette Sofia.

-Avec moi, Instructeur ?

-Non. Je n'ai pas dit ça. On les teste beaucoup avant de les admettre dans ce bordel haut de gamme. C'est naturel, même le directeur général de la prison fait appel à elles. Il faut qu'elles soient bien faites et très adroites. Souvent, elles viennent de bons milieux. Celle -là paraissait très bien mais elle a déçu. Pas grave. On l'a éliminée et remplacée.

-Éliminée, Instructeur ?

-Oh toi et ton misérabilisme ! Chassée du bordel de luxe, ça t'ira. Maintenant, elle doit nettoyer des chiottes quelque part et se faire passer dessus par son chef de bloc. Et s'il n'y a que lui, elle peut s'estimer heureuse. Grandeur et misère !

Il ricanait.

Paul, désormais habitué aux saillies de son instructeur, oublia vite la belle Sofia. Mais il était mal à l'aise et se sentait privé. Après tout, il avait renoué avec les joies du sexe. Sa formation était presque achevée et il était obéissant...Winger reçut ses demandes mais n'entra pas dans son jeu.

-Je sais que tu retournerais bien au bordel mais il ne faudrait pas que l'une d'elles te pollue. Moralement, j'entends. On leur a fait peur mais on ne sait jamais. Je m'oppose à ce que tu en revoies une. Tu vois, je suis soucieux de toi.

-Merci, Instructeur.

Winger sourit à Paul ;

-Puis-je me permettre une question ?

-Je t'en prie, Paul.

-Y aurait-il un vivier de garçons ?

-Ici, à Étoile ? Tu rêves ! Pourquoi cette question d'ailleurs ? Tu serais intéressé ?

-Non, Instructeur, certainement pas.

-A la bonne heure. Moi non plus.

-Vous êtes très pur, Instructeur.

-Bien vu.

-Et à Dannick, vous serez différent, plus libre...

-Oh mais que d'éloges ! Toi, Paul, si tout se passe bien, tu seras prêt à courtiser une vraie ambranienne, éduquée, intelligente, fidèle au régime. Ton divorce d'avec cette truie et le reniement de tes enfants ne seront qu'une formalité.

-Et vous-même, Instructeur, trouverez une épouse digne de vous ! Quelle chance elle aura !

-Oui, Paul, je suis prêt à me marier !

Une fois n'est pas coutume, Paul comprit que le bel instructeur mentait. Il n'aimait pas les femmes et pouvait, après tout, faire ses choix ailleurs. Mais le sujet était trop délicat. Il n'insista pas.

 

Enfin, vint le moment où, dûment formé, il devait quitter Étoile. Il eut droit à un dîner avec Hans Hortz, le directeur de la prison, son épouse et quelques huiles. On le félicita. Son retour à Dannick s'annonçait sous les meilleurs auspices. Il se passa pourtant mal pour les convoyeurs mais permit à Paul Kavan de se rapprocher de Battles...

16 janvier 2025

Battles. Partie 1. Paul à Etoile. Manipulations.

 

Il se tournait des films de propagande sur la prison Étoile et ces quelques femmes figureraient dans l'un d'eux.  Le documentaire qui les mettait en scène montrerait qu'on se souciait de leur donner quelque instruction et qu'elles étaient bien traitées. On tourna donc un petit film puis tout le monde se dispersa. Le film tourné apprit qu'elles avaient disparu.

-Où sont-elles, celles que j'enseignais ?

-Ces femmes ignares ?

-Oui, Instructeur. Je pensais qu'elles pourraient être secrétaires ou employées de maison. Elles devaient pouvoir se réinsérer...

-Tu pensais ça ?

-Oui, Instructeur. C'est ce qu'on m'a laissé entendre.

-Pas moi, en tout cas. On t'aura mal informé, Paul.

-Mais alors, on les a renvoyées à leurs tâches répétitives et subalternes ? Elles sont toujours détenues ?

Winger le regarda longuement avant de répondre.

-Oui, c'est cela.

-Un travail un peu meilleur tout de même ?

-Bien sûr, Paul. C'était le but : sinon pourquoi te serais-tu acharné à les rendre un peu moins sottes ?

-Vos raisonnements sont toujours si justes, Instructeur !

-Merci, Paul. Tu sais, dans ce documentaire, le plus important, c'est toi ! C'est ton image qui sera exploitée.

-J'ai fait de mon mieux.

-Et comment !  Un journaliste rebelle qui a ridiculisé le régime pendant quatre ans et qu'on retrouve si fier de le défendre en instruisant des femmes dévoyées !

-L'instruction est une valeur, Instructeur.

-Voilà qui est certain !

Winger ne lui dit pas que toutes ces femmes avaient été exécutées, non parce ce que c'était là le destin qui les attendait depuis longtemps mais parce que c'était sans importance pour lui.  Il y a un temps pour tout. Par contre, il lui tint des propos aussi solennels que perturbants :

-Ici, à Étoile, un instructeur peut paraître détestable mais l'influence qu'il aura est incontestable. J'aurai été ton instructeur et de cela, sache que tu ne pourras te défaire et ceci, quelle que soit la suite de ta vie...Tu n'es pas nécessairement entré en moi mais je suis entré en toi. On ira bien te dire que c'est remédiable mais crois-moi, je doute que ça le soit.

Il y avait à Étoile deux mille prisonniers dont huit cent étaient des femmes. La prison d'élite regroupait parfois dix détenus, homme et femme, souvent moins. Il ne les avait jamais vus pas plus que leurs instructeurs personnels et il n'avait jamais été question qu'il les voie. Quant aux autres, quelle importance avaient-ils ? Aucune.

Parallèlement, Winger continuait de lui procurer des femmes.

-Des filles simples. De petites putains.

Il s'agissait de filles très jeunes, inexpérimentés et effrayées. Inconscient de leur sort et pressés de se trouver son plaisir, Paul les prenait sans leur parler.

-Ce n'est pas du premier choix mais ma demande n'est pas acceptée pour le moment. Elles sont basiques, je le reconnais, mais tu jouis bien...

-Oui, Instructeur.

-Et c'est grâce à moi. Bon, continue de monter celles qu'on te propose.

Paul acceptait. Il faisait l'amour mécaniquement. Quand une des filles pleura, il ne fit pas attention à son désarroi. Elle avait honte. Il ne le voyait pas. Il prenait comme tels les propos de Winger.

-Note que je respecte infiniment la femme de notre Guide ainsi que celles de nos dignitaires. Et naturellement, je suis en bons termes ici avec les épouses des officiers et avec celles qui d'importantes fonctions administratives. Je respecte le travail de quelques gardiennes, aussi mais pas toutes, tu le sais. Je ne parle donc pas des femmes en général mais de ces jeunes putes dont tu as besoin. Elles ne sont rien, juste des trous mais c'est ce dont tu as besoin.

-Je suis d'accord, Instructeur.

Tout de même, l'instructeur s'impatientait.

-Ce serait mieux pour toi. Je vais insister.

Et il eut gain de cause.

-Ah ça y est, tu as accès au vivier des cadres. Des putes de haut niveau, celles-là. Nettement mieux que celles dans lesquelles tu t'es vidé. Tu me diras.

-Naturellement, Instructeur.

16 janvier 2025

Battles. Partie 2. Page titre.

 

 

 

Seconde partie

Les exils

 

 

 

 

 

 

16 janvier 2025

Battles. Partie 2.

 

Je sais d'ancien et de nouveau

autant qu'un homme seul pourrait des deux savoir

 

 

Guillaume Apollinaire

La Jolie Rousse

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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